La solidarité fiscale est un principe qui oblige les personnes mariées ou pacsées à payer l’impôt sur le revenu en commun, même après une séparation ou un divorce. Ce dispositif peut avoir des conséquences dramatiques pour les femmes, qui se retrouvent souvent à devoir rembourser les dettes fiscales de leur ex-conjoint, sans pouvoir bénéficier d’un éventuel remboursement. Comment fonctionne la solidarité fiscale ? Quelles sont les solutions pour y échapper ? Quels sont les droits des femmes face à cette injustice ?
Qu’est-ce que la solidarité fiscale ?
La solidarité fiscale est une règle qui découle du fait que les époux ou les partenaires pacsés sont imposés ensemble sur leurs revenus, en formant un foyer fiscal. Cela signifie que le fisc considère le couple comme un seul contribuable, redevable de l’impôt sur le revenu.
Voici une vidéo expliquant ces faits :
Chaque membre du couple est donc tenu solidairement de payer l’impôt, c’est-à-dire qu’il peut être poursuivi par l’administration fiscale pour la totalité de la dette, même si elle provient des revenus de l’autre. Cette solidarité fiscale s’applique quel que soit le régime matrimonial choisi par les époux, y compris la séparation de biens.
Pourquoi la solidarité fiscale est-elle un piège du divorce ?
La solidarité fiscale pose problème en cas de séparation ou de divorce, car elle perdure jusqu’à l’année où le couple cesse d’être imposé ensemble. Ainsi, si un couple se sépare en 2023, il devra encore faire une déclaration commune pour les revenus de 2023, et sera solidaire pour le paiement de l’impôt sur ces revenus.
Or, il arrive souvent que l’un des ex-conjoints ne paie pas sa part d’impôt, par négligence, par malveillance ou par impossibilité financière. Dans ce cas, le fisc peut se retourner contre l’autre ex-conjoint pour lui réclamer la totalité de la somme due, même s’il n’a pas perçu les revenus correspondants. Cela peut entraîner des situations dramatiques pour les femmes, qui sont majoritairement victimes de ce piège.
Quels sont les chiffres de la solidarité fiscale ?
Selon une étude menée par la professeure de droit Lise Chatain, 90% des personnes poursuivies par le fisc dans le cadre de la solidarité fiscale sont des femmes. Ces femmes sont souvent celles qui ont eu des revenus inférieurs à ceux de leur ex-conjoint, ou qui ont arrêté ou réduit leur activité professionnelle pour s’occuper des enfants. Elles se retrouvent donc à devoir payer des impôts qu’elles n’ont pas générés, et qui peuvent représenter des sommes importantes.
Par exemple, une femme mariée sous le régime de la séparation de biens a dû rembourser 80 000 euros au fisc pour des impôts dus par son ex-mari, qui avait dissimulé ses revenus pendant plusieurs années. A l’inverse, si le couple bénéficie d’un remboursement d’impôt suite à une séparation ou un divorce, il revient au conjoint qui a payé l’impôt, et non à celui qui a généré les revenus.
Comment se protéger du piège de la solidarité fiscale ?
Depuis le 1er janvier 2022, il existe un dispositif permettant aux personnes séparées ou divorcées de demander à être déchargées de la solidarité fiscale. Pour cela, il faut remplir trois conditions :
- avoir été victime de violences conjugales commises par l’ex-conjoint ;
- ne pas avoir été informée du montant ou du paiement des impôts dus par le foyer fiscal ;
- être dans une situation financière précaire.
Cette demande doit être faite dans les six mois suivant la notification du redressement ou de la mise en recouvrement de l’impôt. Le fisc apprécie au cas par cas la situation des demandeurs, et peut leur accorder une décharge totale ou partielle de la solidarité fiscale. Toutefois, ce dispositif reste difficile à mettre en œuvre, car il nécessite de prouver les violences subies, l’ignorance des impôts dus et la précarité financière. De plus, il ne concerne que les impôts dus à partir de 2022, et non ceux des années antérieures.
Une autre solution pour éviter le piège de la solidarité fiscale est de demander à être imposé séparément dès la séparation effective du couple. Pour cela, il faut que les ex-conjoints ne vivent plus sous le même toit, et qu’ils en informent le fisc par courrier recommandé avec accusé de réception. Ils devront alors faire chacun une déclaration individuelle pour les revenus perçus à partir de la date de la séparation. Cette option permet de rompre la solidarité fiscale dès l’année de la séparation, mais elle peut aussi avoir des inconvénients, comme une augmentation du montant de l’impôt dû par chacun.
Enfin, il est conseillé aux personnes séparées ou divorcées de vérifier régulièrement le paiement des impôts dus par leur ex-conjoint, et de se renseigner sur les éventuels redressements ou contrôles fiscaux dont il fait l’objet. En cas de doute, il est possible de demander au fisc un état des sommes restant à payer au titre de la solidarité fiscale, et de solliciter un échelonnement ou un effacement de la dette en fonction de sa situation personnelle.